Toujours plus à l’Ouest


Départ pour Moron

65 km

TraiteNous tardons a partir ce matin et comme l’heure est déjà avancée, nous passons au restaurant d’hier avant de nous élancer dans la steppe. Nous quittons Bulgan par une route bitumée qui nous est agréable au début, mais qui nous dévoile ses mauvais côtés assez rapidement. Alors que nous peinons dans un col, avançant à un rythme ralenti par nos sacoches pleines de vivres, nous sommes soudainement assaillis de mouches. Notre horizon se couvre de ces petites bestioles volant frénétiquement autour de nous et se posant partout, sur nos visages, sur nos bras, nos jambes et qui rendent l’ascension encore plus pénible qu’elle ne l’était. À chaque descente, en plus du plaisir d’avancer sans effort, il y a celui d’aller plus vite que ne le peuvent nos accompagnatrices. Mais bien entendu, à la montée suivante, une nouvelle nuée nous prend en chasse.

Inconsciemment nous nous retrouvons à pédaler plus vite que d’habitude pour tenter de leur échapper et nous ne faisons pas les pauses habituelles ce qui nous fait avancer de 65 km sur l’après midi, une belle performance au final. Par contre, le paysage ne nous marque pas trop, obnubilés que nous sommes par ces énervantes mouches qui sont rejointes par moment par leur lot de taons et de petits moucherons qui piquent comme des moustiques. Un régal. Alors que le vent s’est un peu levé et que nous profitons d’une légère trêve pour faire une petite pause gâteaux fort méritée, nous somme approchés par un homme à cheval qui nous propose de venir auprès de sa ger pour la soirée. Ses gestes évocateurs nous montrent le ciel assombri et nous encourage à nous poser avant le déchaînement des cieux. Lui même part rameuter ses bêtes avant qu’elles ne s’affolent et s’éparpillent dans toute la montagne.

Le père et sa filleCette famille bien sympathique vit sous la même toile à 3 générations : les grands-parents, les parents et leur fille qui les a rejoint pour les vacances d’été. Nous les observons faire la traite des vaches et des yaks et discutons un peu du vélo et de notre parcours. Nous leur offrons quelques fruits secs et eux nous offrent des produits de leurs vaches, quelques fromages secs et une belle portion de ce qui nous apparaît à mi-chemin entre du beurre et de la crème fraîche qu’ils nous suggèrent d’étaler en épaisse couche sur du pain. Le résultat n’est pas déplaisant, mais à deux nous sommes bien incapables de finir le tout.

Le vent se met à faire claquer la tente de plus en plus fort. En préparant leur ger, les nomades regardent notre frêle abri et nous demandent si nous voulons venir avec eux, mais sûrs de notre matériel, nous préférons les laisser en famille. Sébastien donne un petit coup de main aux derniers ancrages des affaires qui traînent autour de leur ger et aide aussi à rentrer les yaks récalcitrants puis file se mettre au sec au premières gouttes. La température a fortement chuté. Les parois de notre fidèle tente tremblent toujours plus fort et résonnent sous les lourdes gouttes qui s’abattent sur nous. C’est un bel orage qui nous passe dessus. Régulièrement les flashs illuminent nos deux aventuriers qui attendent impuissants la fin du courroux divin. Le double-toît sature vite et les premières eaux atteignent maintenant l’intérieur de la chambre ne laissant plus beaucoup d’espace pour nous recroqueviller. Mais l’orage passe et tout rentre dans l’ordre … pour le moment. La second front nous réveille quelques minutes après, nous faisant regretter l’invitation des mongols.

Cache-cache avec les orages

80 km

BivouacLa belle route bitumée prend fin au bout d’une dizaine de kilomètres pour le plus grand plaisir des mouches qui ont encore moins de mal à nous suivre. Nous en venons à maudire le vent qui nous arrive dans le dos et leur rend un grand service pour rester à notre hauteur sans effort et en venons même à espérer un petit vent de face, synonyme de tranquillité. Nous passons toujours à travers de grandes plaines larges séparées entre elles par de petits cols. Le jeu de piste à la mongole consiste à trouver parmi les nombreuses ébauches de chemins alternatifs celui qui donnera le meilleur terrain pour pédaler. Depuis plusieurs jours nous constatons que la fréquence des orages est inférieur à 24h, de sorte qu’ils nous arrivent dessus toujours un peu plus tôt chaque jour. Aujourd’hui nous pouvons voir assez tôt grossir les nuages derrière les quelques monts qui décorent le paysage. Certains coins du ciel s’assombrissent fortement et nous donnent de beaux contrastes de lumière pour apprécier la nature environnante.

Deux fronts de pluie nous frôlent de peu, mais nous sommes toujours au chaud et au sec. Tant mieux d’ailleurs, car les pistes mongoles deviennent franchement rudes lorsqu’elles passent du sable ou de la terre tassée à la boue. C’est maintenant tout autour de nous que le ciel est d’encre, mais nous semblons dotés d’une chance supérieure aux jours précédents car la trouée dans le ciel avance à la même vitesse que nous et qui plus est dans la même direction. Les chemins finissent tout de même par devenir plus gras et de larges flaques nécessitent parfois de faire un petit détour pour éviter les pièges trop évidents des ornières qui se cachent par dessous.

Alors que nous atteignons un village en fin de journée nous en voyons partir deux routes. Nous cherchons donc un quidam pour lui demander la direction à prendre et constatons une nouvelle fois que les hommes ont succombé à l’appel de la bouteille. Bien qu’il se fasse déjà assez tard nous poussons donc un peu plus pour nous éloigner. La plaine s’étire parfaitement plate sur des kilomètres, n’offrant aucun relief pour planquer une tente. Nous en atteignons presque la fin lorsqu’une étable inhabitée semble faire l’affaire un peu en hauteur. Nous y installons la tente et préparons la cuisine au spectacle du coucher de soleil qui rougit le ciel.

Sur l’autoroute des vacances

85 km

trop près du bordAu bout de la plaine, derrière le petit collet vite avalé, nous tombons sur un objet rare : un panneau de signalisation ! Et qui tombe à pic, car aucune voiture ne nous a encore passé ce matin. Au fur et à mesure de la journée, le trafic s’intensifie. Beaucoup de mongols filent vers les abords du lac Khovsgol pour passer leurs vacances et emprunte ces routes qui n’y paraissent pas mais qui sont bel et bien des axes principaux du pays. Nous avons aussi de nombreux camions aujourd’hui, ce qui nous donnent un peu l’impression de nous retrouver sur l’autoroute du midi un jour de grand départ, les bouchons en moins tout de même.

Ils ont beau être souvent sympathiques, les mongols sont tout à fait capable d’être les mêmes bourrins que partout ailleurs dès qu’ils ont un volant entre les mains. Un trait que semble partager une bonne partie de l’humanité malheureusement. Nous les voyons jouer à la course sur les pistes chaotiques, se doubler de force et se klaxonner alors qu’il y a parfois plus de 10 pistes parallèles tracées dans l’herbe de la steppe. Nous faisons régulièrement les frais de l’impatience des voitures qui nous passent. L’arkhi n’aide pas beaucoup à calmer les ardeurs, ni à conduire proprement et nous passons régulièrement des camions arrêtés à cause d’une casse. Vu l’état de leurs routes, les mongols ont développés un sens de la mécanique assez aigu et ne font du coup plus trop d’efforts pour soulager leurs véhicules. Nous passons un camion qui a rouler un peu trop près du fossé. Les deux chauffeurs sont encore tout goguenards sous l’effet de la vodka et ne semblent pas vraiment émus par le sort de leur engin.

Bivouac

En soirée, nous trouvons un petit coin à peu près caché de la route et des habitations alentour pour poser notre camp. À peine avons nous déballé les sacs qu’un motard débarque, assez surpris de nous trouver là sur le chemin de ses vaches. Nous échangeons quelques mots et ne ressentons pas de danger particulier pour passer la nuit ici. Pendant que Laetitia s’affaire à la popote, Sébastien s’occupe de faire quelques réparations sur les vélos.

Bivouac près des cavaliers

87 km

La journée se déroule semblable aux autres. Nous naviguons sur des routes faites de cailloux et de sables et bataillons beaucoup avec nos mouches. Une fois n’est pas coutume, un petit village apparaît à la bonne heure et nous espérons bien y trouver de l’eau et de quoi caler un creux. Pour l’eau pas de problème, il y a au moins une demi-douzaine de boutiques qui ont bien quelques bouteilles d’eau au milieu de la quantité extravagante de bouteilles d’alcool. Pour le restaurant par contre c’est un peu plus délicat. On nous pointe quelques maisons, mais elles semblent vides. Nous passons de rues en rues en espérant trouver notre bonheur. Finalement, dans une boutique, une dame compatissante nous prend par la main et nous emmène dans une énième maison. Elle discute quelques minutes avec la jeune femme qui y habite et qui finit par nous ouvrir le restaurant attenant.

Village

Au menu, elle ne peut nous proposer que des Khushuur. Et bien voyons donc ce que c’est ! Au bout de quelques minutes, elle finit par nous apporter chacun deux espèces de chaussons fourrés à la viande, de mouton évidemment. Ce n’est pas mauvais du tout et nous lui en recommandons d’autres. En guise de boisson, un sceau trône sur le comptoir avec un mélange d’eau, de raisons secs et de sucre. Seul Sébastien se sent le courage de tester le breuvage qui n’est effectivement pas forcément très engageant à première vue. Après de nombreux mois aux quatre coins du globe nos estomacs sont maintenant rodés pour (presque) n’importe quoi.

Jeunes cavaliersNous repartons sous une pluie qui tente de nous faire peur mais qui se dégonfle avant nous et finissons par attérir une nouvelle fois dans une longue vallée. Cette fois, nous tentons une nouvelle stratégie, nous décidons de partir dans la pampa et de poser la tente suffisamment loin de la route pour ne plus être trop visible. Un groupe de cavaliers s’affairent au loin. L’un d’eux nous rejoints accompagné de deux jeunes garçons très curieux. Le contact se passe très bien et le jeune homme nous aide même à monter la tente, puis repart vers ses autres camarades. Quelques minutes plus tard, c’est un autre homme qui revient vers nous, toujours accompagné des deux curieux. Cette fois par contre, l’énergumène est franchement ivre. Le mongol n’est déjà pas une langue facile à comprendre, mais le mongol bourré devient franchement impossible. Nous marchons sur des œufs pour ne pas risquer de le fâcher. Les enfants jouent les traducteurs en cherchant leur mots dans notre dictionnaire.

Ils sont venus ici pour les deux jeunes garçons qui participeront demain matin à la course de chevaux du Naadam. Les deux petits gars sont excités comme des puces à cette idée et tiennent déjà difficilement en place. Après une séance de discussion hasardeuse, notre camarade éméché décide de retourner à son camp. En guise de camp, les hommes et leurs garçons vont tout simplement passer la nuit à même le sol au milieu de leurs chevaux. Pour les hommes pas de soucis, ils trouvent de quoi se réchauffer dans quelques bouteilles d’arkhi, mais nous plaignons quand même les plus jeunes.

Avant que nous nous rentrions dans la tente, un nouveau convoi arrive avec les 3 autres hommes que nous n’avions pas encore rencontré. Eux aussi ont bien profiter de la bouteille et l’un d’eux peine à garder les yeux ouverts. Ils ne sont pas méchants mais nous ne sommes tout de même pas forcément très à l’aise.

Jeunes cavaliers

Un réveil matinal

80 km

NadaamC’est au son du galop que nous sommes tirés du lit sur le coup de 6h du matin. Les deux jeunes garçons veulent à tout prix nous montrer leurs chevaux. Ils sont encore plus remontés qu’hier soir. De notre côté le cerveau se met péniblement en route. Nous replions le camp à moitié dans le gaz et voyons défiler tous les jeunes qui se rendent au démarrage de la course. Nous mettons en route le réchaud, préparons le petit déjeuner et le défilé de chevaux se poursuit au loin. Serions nous sur le tracé de la course ? Quelqu’un serait venu nous prévenir de lever le camp très certainement. Nous avons à peine fini de charger les vélos que nous entendons un brouhaha arriver au loin. La course à démarré. Rapidement nous nous approchons pour mieux les voir passer. Les chevaux cravachés par les mômes surexcités sont courrent à en perdre haleine et nous les distinguons à peine tant ils nous passent rapidement. Certains montent à cru, d’autres ont une selle. Ils ont tous mis leurs plus beaux accoutrements pour l’occasion.

Au milieu des chevaux, les pères et les grands frères suivent en motos et 4×4 pour les encourager. Quelle euphorie. Le peloton s’effile de plus en plus et bientôt nous voyons passer le dernier qui n’a pas la même prestance que les précédent, mais qui ne démérite pas pour autant. Voilà notre premier contact avec le fameux Nadaam mongol et il est plutôt sympathique.

Nous montons ensuite en selle pour finir les derniers kilomètres qui nous séparent de Moron. Les tous derniers kilomètres sont bitumés, mais la plupart des voitures prennent quand même les nombreuses pistes parallèles, preuve s’il en est une de la confiance qui est portée aux services routiers mongols.

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4 responses to “Toujours plus à l’Ouest”

  1. Belle continuation à vous deux.

    Super cette course, ils sont sympa ces jeunes.
    Merci pour vos récits si imagés, c’est extraordinaire de vous suivre.
    Je suis heureuse de vous lire
    profitez bien
    Je vous embrasse
    Chloé

  2. voilà encore des rencontres peu banales. C’est encore un autre monde que vous découvrez
    Quelle collection de souvenirs
    Bonne continuation et à bientôt de vos nouvelles toujours plus passionnantes
    Bisous à vous deux
    Cousine Renée

  3. Salut vous deux
    J’ai l’impression de revenir faire quelques km avec vous en Mongolie.
    A chaque soir, son berger solitaire arrivant à cheval, en moto, en voiture ou 4×4 d’on ne sait où.
    J’espère que vous avez quand même testé la nuit sous la guer ?
    Profitez bien de vos derniers coups de pédale.
    Profitez bien de ces horizons sans fin.
    Croyez moi, après çà manque !

    • Pas encore la nuit sous la ger. Au final, nous plantons la tente à côté bien souvent. Sans doute faudra-t-il que nous vainquions notre timidité au moins une fois. Après nous y avons quand même passé un peu de temps à savourer le thé et les produits laitiers 🙂