Nous voilà en Mongolie


L’arrivée

transsibérienNous partons en direction d’UlaanBaatar dans le fameux transsibérien. Cette fois nous avons opté pour la seconde classe et au final elle vaut tout à fait la première classe des trains chinois. Les premières classes ont ceci de plus qu’elles n’ont que deux lits et une douche qui est partagée avec la chambre d’à côté. Au démarrage il n’y a quasiment que des passagers occidentaux. Tout le monde semble excité comme des gosses et les discussions vont bon train.

Nous arrivons à la frontière chinoise vers 20h30. Un officier vient récupérer les passeports et on nous demande de sortir du wagon. La fine bruine n’est pas désagréable après la chaleur du train mais nous nous demandons tout de même pourquoi nous sommes les seuls sur le quai alors que tout le monde attend au sec dans sa chambre. Nous remontons donc et le train se remet en mouvement. Il s’arrête dans de grands hangars pour effectuer son changement de bogies. La Mongolie est au standard russe dont l’espacement des rails diffère de quelques centimètres de celui des rails chinois. Les uns après les autres les wagons sont levés. On enlève ensuite les roues qu’on fait glisser sous le train. Puis on place les nouvelles de la même manière et les wagons sont redescendus lentement.

Beijing-MoscowOn nous rend nos passeports aux alentours de minuit en nous conseillant de ne pas dormir tout de suite car la frontière mongole est pour bientôt. En effet, une heure et demie plus tard, nous sommes tirés de notre somnolence pour le contrôle des visas. Notre wagon jusque là vide s’est soudain rempli de mongols et de chinois. Ces derniers s’empressent d’allumer une cigarette et Laetitia leur rappelle fermement que le wagon est non-fumeur. Nous ne sentirons plus la moindre volute du reste du voyage, ce qui fait bien sourire notre camarade de chambre mongol, qui comme tout mongole, n’apprécie pas trop les chinois.

Quand le jour se lève et que nous sortons de nos songes, le train file à travers un paysage sec qui s’étire à perte de vue. Nous finissons rapidement de passer les derniers hectares du désert de Gobi et la nature reprend progressivement ses droits, verdissant de plus en plus. Nous apercevons encore quelques chameaux mais ils sont vite remplacés par des hordes de vaches et de chevaux. De ci de là quelques ger, le terme officiel pour les yourtes mongoles, viennent offrir de petites tâches blanches éclatantes dans ce paysage vert uniforme.

La nouvelle attraction du train est le compartiment restaurant qui a été changé au passage de la frontière. La décoration simple et sans relief du wagon chinois au style communiste a fait place à un wagon en bois décoré d’articles mongols bien plus extravagants. Le menu a changé de même et les tarifs sont indiqués en Togrogs. Pour le touriste coincé avec ses yuans, la tenancière se fait un plaisir de le soulager à un taux qui ferait pâlir les vietnamiens eux-mêmes. Sébastien, dont l’estomac refuse de se détourner du menu appétissant, trouve un mongol compatissant pour échanger quelques togrogs et retourne fissa à table.

wagon restaurantÀ travers les fenêtres du train, la verdure continue de s’étendre, rarement dérangée par les petits villages de quelques maisons où le bitume est souvent absent. 2 ou 3 kilomètres à peine avant la gare finale, la densité des habitations augmente. Des gers tout d’abord, puis des maisons en dur et enfin des immeubles. La capitale mongole est vraiment minuscule à côté de toutes les autres que nous avons traversées. Un petit million d’habitants à peu près, soit le tiers de la population mongole totale.

Arrivé à la chambre d’hôte qui est en fait simplement un appartement de type HLM, nous faisons la connaissance d’Adrien, un autre cyclo qui revient de sa boucle dans les steppes encore tout enthousiaste des rencontres qu’il a faites. Nous profitons de la cuisine pour nous faire un bon petit repas et raconter nos aventures respectives.

Vers les plaines de l’Ouest

98 km

bivouacLa sortie d’OulaanBaatar se fait par une route de plus en plus démontée jusqu’à devenir un champ d’ornières. Rapidement la ville laisse place à nouveau à la plaine et quelques voies parallèles offrent un peu d’alternative à notre champ de bosses. Au bout d’une vingtaine de kilomètres nous bifurquons sur l’A0301 toute neuve et apprécions de pouvoir enfin avancer un peu plus sereinement. Sur l’horizon deux points se distinguent du reste du trafic et nous devinons rapidement que ce sont des cyclistes. Ces deux belges se sont aventurés hors de la route principale et nous racontent leurs deux jours de galère à pousser les vélos dans le sable. Ils ont la peau rougit par les nombreuses heures passées sous le soleil de plomb. Eux aussi sont encore tout enthousiaste des rencontres qu’ils ont faites. Ces récits sont décidément très prometteurs, sauf le sable peut être.

À première vue le coin est très vert. Il n’y a pas un arbre, mais toute la plaine est recouverte d’une petite plante basse et très odorante qui rappelle un peu des senteurs de menthe. Quand on y regarde de plus près par contre, le tapis d’herbes peu dense laisse apparaître un sol très sableux et très sec. En fin de journée alors que nous cherchons un endroit éloigné de la route pour poser la tente, nous apercevons une ger isolée et décidons d’aller leur demander la permission de nous poser à côté. Quelques récits d’horreur ponctuent les forums de voyageurs et beaucoup conseils de se poser sous la protection d’une ger ou bien à l’abri des regards. La consommation d’arkhi, la vodka locale, rend certain mongols un peu violents et mieux vaut éviter de se retrouver sur le chemin d’un colosse éméché.

Lorsqu’un première tête sort de la ger, c’est avec un grand sourire qu’elle nous accueille. Il n’y a bien entendu aucun souci pour que nous plantions la tente ici. Le père aide même Sébastien à contenir la tente qui prend de grandes envolées à chaque bourrasque. Ils sont assez intrigués par la tente et le réchaud qui doivent leur paraître un peu petits en comparaison de leur matériel. Ils rentrent les chèvres pour la nuit et chacun s’engouffre dans le confort de son abri.

Sortie de piste

80 km

famille de nomadesAlors que nous replions le camp nous sommes invités dans la ger. Nous nous installons à gauche en faisant bien attention de ne pas nous cogner la tête en passant la porte basse, signe de malheur. On nous sert une tasse de thé légèrement salé et des petites délicatesses à base de lait de chèvre, comme ces petits fromages tous secs si durs à croquer. Beaucoup d’encre a déjà été versée sur la cuisine mongole et la difficulté des occidentaux à en apprécier toutes les subtilités. En attendant ce premier contact n’est pas si difficile et le thé qu’on nous a servi est plus facile à finir que le thé au beurre de yak des tibétains. Nous restons toute fois polis et évitons de vider la théière de nos hôtes. En voyant le tableau de photos qui trône sur le meuble, Laetitia leur propose de leur tirer une photo de famille. La mère se met immédiatement à remuer toute la ger pour habiller ses 4 hommes pour l’occasion. Ils observent ensuite très intrigués lorsque nous sortons notre imprimante et les yeux s’écarquillent à la vue de la photo qui s’imprime devant eux. Ils nous demandent alors de leur en faire une autre des garçons sur la moto familiale. Mais pour cela il faut déjà leur remettre la main dessus. Les trois arsouilles tiennent difficilement en place. ils courent, sautent, tombent souvent. L’un d’eux à même le pied sacrément abimé, mais il poursuit sans broncher.

Nous finissons par nous mettre en route et nous reprenons l’asphalte pour quelques kilomètres avant de bifurquer vers le nord en direction de Bulgan. C’est la que commence l’expédition sur les véritables pistes mongoles. L’orientation peu s’avérer ardue. Lorsqu’un chemin devient trop remuant au goût d’un chauffeur, il en démarre un nouveau, ou bien tout simplement parce qu’il souhaite tirer plus droit. Au final c’est bien souvent qu’il faut choisir entre 2, 3 ou 4 directions possibles, sans être trop sûr si tous les chemins mènent bien au même endroit. Naturellement les panneaux de circulation n’existent pas. Nous sortons donc régulièrement la boussole pour vérifier si la direction est plausible ou non. Ça ne nous empêche pas pour autant de dévier allègrement de la route prévue, ce dont nous nous rendons compte en fin de journée en apercevant un lac au bord duquel nous n’étions pas sensé passer. Qu’à cela ne tienne, puisqu’il y a des chemins dans tous les sens, il y en aura bien un pour nous ramener où il faut !

into the steppeEn attendant il se fait tard et nous cherchons un endroit propice pour poser notre tente. Une ferme se dessine sur une butte, nous décidons d’aller frapper à la porte pour nous faire connaître. Nous y sommes accueillis timidement par les deux jeunes filles de la famille qui sont en pleine cuisine en attendant le retour des parents. Elles nous offrent un thé accompagné de petits gâteaux très bons et de quelques buuz fraîchement préparées. Ces dernières sont des bouchées à la vapeur fourrées à la viande de mouton. Une spécialité culinaire mongole forte en goût, mais pas mauvaise du tout. Elles ne voient pas d’inconvénients à ce que nous posions la tente aux alentours. Nous nous éloignons un peu et trouvons une zone de plat sur le haut d’une butte. Les parents reviennent. Ils ne semblent pas particulièrement intéressés de faire notre connaissance et nous évite même franchement. Soit.

Alors que la nuit est en train de tomber et que nous pensions nous glisser dans les draps, un violent orage s’annonce et nous préférons redescendre de notre perchoir pour plus de sécurité. La tente se fait bien secouer, mais le tas de bottes de paille l’aide à résister aux assauts du vent et aux trombes d’eau qui se déversent en quelques instants.

De retour sur la bonne route

75 km

chèvresNous atteignons rapidement le village de zamar qui confirme ainsi notre position. Nous profitons d’une petite boutique pour demander notre chemin et la jeune commerçante nous indique 2 options possibles. Une plus longue mais plus plate par la route et une plus courte par un petit col. La seconde semble moins fréquentée ce qui nous convainc de la suivre. Ce col qui n’est pourtant pas si haut s’avère un peu difficile à grimper au final. La route sableuse et les cailloux fréquents nous freinent et lorsque nous arrivons en haut il est déjà tard. Nous apprécions le point de vue élevé qu’il nous offre et décidons d’y faire notre rituel pique-nique/sieste du midi, bercés par les milliers de criquets qui s’activent tout autour de nous.

Devant nous, une jolie petite plaine verte ondule autour d’une rivière et à l’approche de nos roues, nous voyons détaler des petites fouines à toute allure vers leur terrier. Progressivement, la terre est de plus en plus retournée ce qui est assez étonnant pour ce pays où il faut gardé la nature telle qu’on l’a trouvée et où les nomades rebouchent systématiquement les trous qu’ils ont eu besoin de faire. Des gens fouillent le lit de la rivière à la manière de chercheurs d’or, puis enfin ce sont de gros camions qui vont et viennent dans ce qui ressemble bien à une mine à ciel ouvert. Le coin est laid en comparaison de ce que nous venons de traverser. Alors que nous allons demander la confirmation de la direction à une voiture, nous tombons sur un sympathique gardien de la mine qui nous ravitaille en eau et nous file un coup de main pour réparer une énième crevaison sur le pneu avant de Laeti.

siesteD’ailleurs cette fois nous décidons de changer ce fichu pneu qui nous embête régulièrement depuis Rilong en Chine. Pour le remercier de son coup de main, nous offrons au gardien une cigarette qui nous vaut un grand sourire ainsi qu’une pomme qui décroche un petit cri de plaisir. Nous poursuivons la route et arrivons en fin de journée dans un village très glauque. Les maisons tiennent mal debout derrière leur hautes barrières protectrices. Dans les rues poussiéreuse, démontées et parsemées de déchets qui le traversent sont une grande partie des hommes titubent sous les effets de l’arkhi. Autant dire que nous ne sommes pas enclin à traîner bien longtemps dans les parages. Nous poursuivons donc pour trouver un peu de steppe où dormir.

Une fois hors de vue de ce village, nous arrivons sur une butte d’où nous pouvons voir la route que nos voulons rejoindre. Mais plutôt que d’y aller maintenant nous allons une nouvelle fois vers une ger pour poser la tente. Il n’y a une nouvelle fois pas de soucis pour nous poser, même si la famille reste cette fois très froide et distante. Ce soir, les curieux ne sont pas les mongols, mais leurs chèvres qui viennent voir la tente et tentent même une intrusion et quelques coups de langues sur tout ce qui traîne. Pour ne pas changer, nous passons sous la toile accompagnés d’un orage en guise de berceuse.

à perte de vue

Une journée tranquille

60 km

coup de mainMalgré les pluies nocturne, la tente est déjà sèche quand nous nous levons. L’air de la steppe n’est pas très humide et cela nous convient bien plus que de replier la tente encore toute détrempée de rosée ou de pluie. Nous descendons à la ville et ravitaillons en eau dans l’une de ses nombreuses boutiques que nous croisons régulièrement. Dans la myriade de produits proposés, bien souvent peu attirent notre œil. On y trouve des conserves de thon (alors que les mongols qu’on a croisé n’aime pas le poisson), de l’eau, beaucoup de bière et de vodka, parfois des patates, mais rarement de fruits ou d’autres légumes, des bonbons, des chips, bref de quoi survivre, mais guère plus. Heureusement que nous croisons des villes plus importantes tous les 5 jours.

Nous flânons aujourd’hui et prenons vraiment notre temps, avec encore une fois la petite sieste du midi. Nous passons de grands champs, fait rare pour ce pays dont 1% à peine de la terre serait arable. Un groupe de fermiers nous indiquent un endroit pour trouver de l’eau qui commence à nous manquer cruellement. Nous y trouvons une femme dans une roulotte et à côté un container. Nous lui prenons le minimum pour ne pas la priver et poursuivons. Une belle plaine traversée par une rivière nous incite à en rester là pour la journée. Bulgan n’est plus qu’à 40 km et devrait être atteinte rapidement demain.

Malheureusement la rivière est inutilisable. Elle est complètement marron de poussière et moussant d’on ne sait quoi, ce que nous confirme un éleveur qui propose du coup de nous remplir deux bouteilles de sa réserve personnelle. Il revient ensuite en moto avec son fils et en cadeau un plateau de dégustation des fromages qu’il fait. Des fromages secs comme nous en avons déjà goûté et deux beaux morceaux d’un fromage plus frais qui ne fait pas long feu. Nous leur faisons essayer les vélos qui sont décidément un objet de curiosité pour tout le monde. Cette fois, il n’y a pas d’orage et nous profitons d’une bonne nuit reposante.

Étape en ville

50 km

BivouacAu bout de la vallée, derrière le petit col nous tombons sur un paysage d’arbres bordants une rivière. Dans le ciel, de gros rapaces planent en cercles par dizaine. Le manque d’orage de la veille est rattrapé par quelques pluies qui viennent nous rafraîchir. Une pluie un peu plus violente que les autres nous attrape en pleine montée d’un col et nous force à prendre abri comme nous pouvons sous le couvert d’un arbre, protégés vaguement par la toile de notre tente que nous tendons comme nous le pouvons entre nos vélos. Sur le coup de midi, nous arrivons à un village et espérons y trouver un petit guanz pour remplir nos ventres creux. Mais malheureusement, il n’y en a pas et les quelques boutiques n’ont rien à offrir pour soulager nos appétits. Il faudra donc pousser jusqu’à Bulgan.

Les orages quotidiens nettoient fréquemment l’atmosphère déjà peut polluée de la Mongolie et nous pouvons voir souvent très loin. Nous sommes régulièrement surpris par le temps que nous mettons à atteindre les villages que nous apercevons plusieurs kilomètres en avance. Bulgan ne déroge pas à la règle. Alors que nous pensons être arrivés il reste en réalité 10 kilomètres interminables à franchir avec, cerise sur le gâteaux, une belle petite montée et un vent de face qui rende les derniers coups de pédales éprouvants pour nos estomacs affamés.

Nous logeons dans le seul hôtel que nous trouvons qui propose une douche, élément vital après 5 jours dans la nature. Un super petit restaurant nous réconcilie avec la nourriture mongole. Une copieuse assiette calme nos aigreurs d’estomac et nous partons ensuite faire tous les supermarchés pour retrouver ce dont nous avons besoin pour les 5 prochains jours. Vers 18h, alors que le taux d’alcoolémie monte en flèche dans la rue, nous nous réfugions dans notre hôtel vieillot mais confortable. Comme en Chine, nous dormons avec les vélos dans la chambre.

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4 responses to “Nous voilà en Mongolie”

  1. C’est merveilleux ce train et ce début de voyage.

    C’est une joie de pouvoir lire vos aventures plus au moins joyeuses et enivrantes.
    Vos photos sont de véritables trésors qui illustre parfaitement ce que vous vivez.
    C’est plaisant pour nous tous de vous suivre.
    Belle route à vous

    • En effet, ça sent la fin. Déjà plus de 11 mois de ballade et quelques kilomètres …

  2. Ca n’a pas l’air de tout repos cette Mongolie. Et Laeti quel sérieux sur ton matelas !
    Bonne continuation.

    PS : Tu nous auras pas, Rodrigo 😉