Petit détour par Deqin


Shangri-La – bivouac dans les sapins

120km, +1750m, -2000m

GompaÀ la sortie de Shangri-La nous jetons un coup d’œil sur le monastère de Songzanlin imposant et brillant de mille feux sous le soleil de plomb. S’en suit une petite montée pour se chauffer, puis petite descente pour relâcher les jambes avant une nouvelle remontée vers un village où nous mangeons. Ensuite, c’est LA grosse descente de la journée. 1400m de descente assez raide dans des vallées encaissées où nous enchaînons les virages à vive allure. Les vues sont grandioses et vertigineuses depuis la route qui serpente à flanc de paroi. Ça n’arrête pas de descendre. La température remonte en flèche. En bas il fait 37°C et il pousse des cactus dans un paysage sec. Nous sommes maintenant dans le lit de la rivière Jinsha, l’une des 3 rivières parallèles qui font la curiosité de la région.

Le prochain col est à 4200m. Ouch. Autant dire que nous avons de sacrées heures de montées en perspective. Mais pour l’instant la route ondule tranquillement en remontant la rivière jusqu’à la ville de Benzilan. C’est ici que nous trouvons la bifurcation vers Deqin. Et c’est aussi ici que commence la terrible montée. Autour de nous de hauts sommets goguenards nous voient pousser sur les pédales lentement. Après quelques kilomètres de route nous sommes passés par un camion qui ne va pas beaucoup plus vite que nous. Un regard rapide entre nous et nous attrapons chacun une poignées de sa remorque et nous laissons tirer par le moteur bien plus puissant du poids lourd. Le chauffeur nous remarque dans ses rétroviseurs et nous lance un grand sourire. Nous montons sans peine pendant une bonne heure, profitant de ne plus avoir le nez dans le guidon pour admirer le paysage alentour.

Sur la routeLes vallées encaissées et sèches sont impressionnantes vues d’ici aussi. Un moment notre chauffeur allume les warnings. Prévenant, il nous annonce l’arrivée d’une zone de travaux et nous encourage à lâcher le camion. Puis à la sortie, il redémarre tranquillement pour nous laisser le temps de récupérer notre accroche. À nouveau des warnings, nouvelle zone de travaux. Cette fois, il nous fait signe que la zone est grande et que nous devrions passer devant. D’ailleurs nous allons plus vite que lui dans les ornières et le gravier. Au final, il nous aura tracté sur 14 kilomètres et plus de 800m de dénivelé. Une belle avancée qui nous aurait pris au moins 3 fois le temps. La route est en construction depuis un bon moment déjà puisque tous les récits que nous en avions eu mentionnaient ces travaux. Régulièrement le bitume tout beau tout propre est enseveli sous une couche de gravier ou bien carrément défoncer par le passage des poids lourds et des engins de chantier.

Nous pensons une nouvelle fois bivouaquer ce soir, mais les parois raides autour de nous ne laissent pas de place pour poser une tente, alors nous poursuivons la route. Vers 20h, avant la tombée de la nuit, un bruit d’eau nous attire. Une canalisation fuyante et une peu de plat en hauteur. Parfait. Nous montons avec peine les vélos sur un petit chemin qui ne doit pas en voir passer beaucoup et installons notre camp sous les sapins.

L’arrivée à Deqin

93km, +1882m, -1800m

Dans la ligne de mireLe retour des vélos sur la route est un peu folklorique dans la pente de cailloux mais nous y parvenons tout de même après un peu de lutte. En guise de repos pour cette première demi-heure, il nous faut reprendre la montée vers le col. Heureusement la route est ici en bon état et nous évitons au moins les secousses des passages de travaux. En chemin nous croisons quelques cyclistes chinois dont beaucoup finissent par mettre pied à terre et à pousser leur vélo. Certains sont un peu vexés de voir une femme les doubler et remonte en selle immédiatement, mais la gravité n’ayant pas plus de compassion que ça pour les hommes à l’ego meurtri, ils finissent généralement par redescendre du vélo au bout de quelques coups de pédale.

Nous arrivons à un premier col sous les bravos de quelques automobilistes de passage et décidons de poursuivre un peu pour trouver un endroit pour le pique nique. Faute de pain, nous sortons tout l’attirail du réchaud pour une petite soupe de nouille en altitude. La route redescend ensuite un peu avant de remonter vers le 2e col, le plus haut, où une stèle annonce officiellement 4300m. Le col est couvert de drapeaux bouddhistes sur un fond de sommets enneigés, ce qui fait le bonheur des cyclistes pour la photo souvenir. Nous nous prêtons bien entendu au jeu puis basculons de l’autre côté, sur une belle pente dont nos yeux ne peuvent discerner la fin. Malheureusement, cette portion contient aussi sa dose de travaux et nous freinons régulièrement pour négocier le terrain délicat. Nous ne boudons tout de même pas notre plaisir de ne plus avoir à pousser pour avancer.

Au colAlors que nous pensions n’avoir que de la descente jusqu’à Deqin, voilà que les derniers kilomètres se voilent en une série de montées descentes assez casse-pattes. Cette petite déception semble rajouter quelques kilos aux pédales. Nous arrivons à un premier village fait de maisons blanches entourées de champs verts et qui nous fait un peu penser au pays basque. Un panneau indique la liste des tarifs des différents sites à visiter. 10€ pour le glacier, 10€ pour l’entrée de Yubeng, … la couleur est annoncée.

Au virage suivant, nous voyons enfin Deqin coincée dans au bout d’une vallée et s’étirant sur plusieurs kilomètres. La ville de Deqin n’a que peu d’intérêt touristique elle même. Nous y avons un contact pour des renseignements sur les treks à faire autour mais nos appels n’aboutissent jamais. Nous poursuivons alors vers Feilaisi, un village 1à kilomètres plus loin qui a dû pousser récemment pour accueillir les hordes de touristes qui fondent sur le coin régulièrement. Les prix y sont en accord avec ceux des entrées des parcs pour un service qui ne concorde pas trop. Nous trouvons un hôtel qui parait pas mal, mais qui dévoile ses petits détails croustillants une fois que nous y regardons de plus près. Qu’à cela ne tienne, nous partons demain pour les montagnes.

Trek de Yubeng

J1 : Une belle journée de ballade

Au colDans l’unique rue de la ville, une quantité de taxis attend le client. On nous alpague et lorsque nous annonçons notre direction on nous pointe vers un des chauffeurs. Mais Laetitia a déjà repéré un groupe de chinois qui semblent préparés pour aller marcher en montagne et négocie avec eux le partage d’une voiture. Après une route courte mais chaotique à souhait, nous sommes débarqués dans le village de Xidang d’où démarre la marche vers Yubeng. Les occidentaux doivent êtres connus ici car personne ne nous propose de cheval. Il fait beau, nous rangeons nos polaires dans le sac et entamons la montée. Il y a foule sur le petit sentier, des randonneurs courageux, les chevaux qui portent leurs sacs, les chevaux qui portent les moins courageux et les menuers de chevaux. Tout ce petit monde avance dans une ambiance de colonie de vacances qui s’essouffle peu à peu au fur et à mesure de la longue montée raide.

Arrivés au col, la densité de départ a beaucoup diminuée. Un nombre incalculable de drapeaux recouvrent les arbres autour en formant un corridor coloré qui bat avec le vent. Il nous faut encore avancer un peu pour avoir notre première vue sur la vallée de Yubeng. À mi-chemin dans la descente, une petite officine réclame un droit d’entrée supplémentaire de 5 yuans pour “aide au nettoyage” entre autre; ce qui fait bondir Laetitia toujours aussi scandalisée par la quantité de déchets qui peuvent traîner partout en montagne. Une fois dans le village 3 choix s’offrent à nous : le lac secret, la cascade ou le lac glacé. Nous optons dans un premier temps pour la cascade. Le chemin s’engouffre dans une forêt de grands arbres majestueux comme nous n’en avons pas vu beaucoup en Chine. Alors qu’il était resté tout plat, il se met à se redresser et nous décidons de cacher les sacs à dos pour être plus à l’aise avec le dos léger. Une bonne idée vue distance qu’il nous restait à franchir. Après une bonne heure de marche supplémentaire nous arrivons au fond d’un cirque, au pied d’une haute cascade qui souffle fortement son vent chargé d’eau et qui nous refroidit rapidement après cette journée si chaude.

Le camp de baseNous redescendons, récupérons les sacs et retournons au village de Yubeng-le-haut où un petit restaurant et surtout sa terrasse avec vue nous fait de l’œil. Après tout, pourquoi se forcer à faire des nouilles instantanées alors que ce restaurant nous tend les bras ? À la suite de cette petite pause sympathique nous remettons les sacs sur le dos et prenons la direction du lac glacé au pied duquel nous devrions trouver une zone de campement. Le chemin est raide une nouvelle fois et monte dans une forêt dense qui obscurcit le ciel et bouche la vue. Il n’y a pas trop de place pour une tente ici; nous devrons donc aller jusqu’au bout en espérant y arriver de jour, c’est à dire d’ici peu. La montagne est devenue tranquille, sans autre bruit que celui de nos pas. Le jour s’estompe lentement mais sûrement. Nous parvenons au col et voyons au loin un beau glacier. Pour arriver à ses pieds, il faut à nouveau nous enfoncer dans une forêt et nous commençons à y voir de moins en moins. Heureusement nous en sortons à temps et arrivons au camp de base et ses chalets délabrés.

Il n’y a pas âme qui vive à part nous et quelques yaks dont certains nous accueillent par des grognements. Nous les laissons donc en paix, trouvons un beau carré de pelouse qui n’est pas trop constellé des restes de bivouac des précédents trekkeurs et profitons du beau ciel étoilé avant de nous enfoncer dans les bras de Morphée.

J2: un retour difficile

Au lacCe matin, le petit courant d’eau qui nous a servi à faire la cuisine hier soir a disparu pour notre plus grand étonnement. Après avoir replié le camp et dissimulé les sacs dans un fourré, nous partons voir le lac gelé de plus près. Les premiers touristes ne devraient pas arriver avant un moment ce qui nous laisse la montagne pour nous seuls. Nous passons un petit moment à profiter des lieux, à regarder les montagnes en imaginant par quels endroits nous prendrions pour accéder au sommet, puis nous redescendons aux sacs juste à temps pour croiser les premiers guides qui nous regardent avec étonnement.

La montée rude d’hier soir reste coriace à descendre et nous n’arrivons pas à Yubeng avant midi. Malheureusement le petit restaurant n’est pas en activité ce midi et nous sommes bien obligés de nous replier sur les sandwichs prévus. Pauvre Sébastien qui avait déjà l’eau à la bouche. Plutôt que de revenir par le même chemin, nous avons prévu de faire la boucle qui revient par une autre vallée et permet de même de rejoindre théoriquement Feilaisi à pied. Mais comme les sandwichs n’ont pas complètement réussit à caler Sébastien, nous commençons d’abord par faire une halte riz-frit dans un autre restaurant croisé un peu plus loin.

Dans la descenteAprès avoir descendu une belle hauteur, le chemin quitte la forêt pour passer brièvement quelques habitations et traverser la rivière. Nous longeons maintenant une falaise abrupte à plusieurs dizaines de mètres au dessus de la rivière qui est tapie au fond du canyon. La terre est redevenue sèche et nous donne parfois l’impression d’être dans le Grand Canyon américain. Nous prenons toutes les précautions du monde lorsque nous croisons le chemin de deux yaks en vadrouille. Pour limiter les risques nous passons côté roche et leur laissons volontiers le côté du précipice. Enfin c’est la sortie du canyon et de son chemin vertigineux. Nous voyons au loin un village et un pont qui permet de travers le Mékong qui si loin de son embouchure est déjà un beau fleuve impressionnant. La traversée de ce pont suspendu au dessus des flots vigoureux avec le vent qui souffle fait son petit effet.

de l’autre côté nous tombons sur 3 jeunes randonneurs chinois qui nous proposent de partager les frais du taxi qu’ils viennent d’appeler. Nous acceptons bien volontiers, mais lorsque le taxi arrive, un homme qui n’est pourtant pas le chauffeur, décide que pour les “Laowai”; les étrangers; il faudra rajouter quelques dizaines de yuans. Piqués au vif nous refusons ce traitement de défaveur et décidons de partir à pied devant nos trois chinois tous gênés par la situation.

Après avoir descendu les 1800m depuis le camp de base, il nous faut maintenant remonter les plus de 1000m vers Feilaisi. Nous partons d’un pas décidé, motivés par la frustration encore fraîche dans nos tripes. Le chemin passe rapidement un petit village et s’élance dans les grandes pentes sèches qui surplombent le fleuve. Plusieurs chemins s’offrent à nous et nous prenons celui qui monte le plus vite. Derrière chaque bosse dans le relief, la montagne nous dévoile encore plus de montée. Le chemin raide en cailloux fatigue rapidement les jambes et l’absence d’eau nous empêche de remplir les bouteilles qui se vident rapidement. C’est à l’entêtement que nous poursuivons cette ascension qui n’en finit pas et qui menace de nous contraindre à bivouaquer sans rien.

La montée infernaleSoudain le sentier s’efface au milieu de buissons qui nous passons en rampant et la randonnée se transforme en parcours aventure. Toujours pas de trace de village, ni d’eau. Nous décidons de viser la crête dans l’espoir d’y trouver un point de vue, mais nous n’y trouvons que plus de forêt. Au loin une petite construction se dessine et ressemble à un ponton d’observation, premier signe prometteur depuis un moment et qui arrive à point, juste avant la nuit. Quand nous l’atteignons enfin, c’est un bâtiment vide devant lequel passe une route … Mais dans quel sens la suivre ? L’instinct de Laetitia lui dit d’aller à droite. Celui de Sébastien lui dit d’aller à gauche. Dilemme. À priori Feilaisi à une belle vue sur la montagne à notre gauche, nous tentons donc à gauche. La nuit est maintenant bien installée et nous ne voyons toujours pas de signe de la ville. Nous envisageons à nouveau la possibilité de bivouac quand soudain des voix apparaissent devant nous.

4 jeunes hommes sont en ballade nocturne. Quand nous leur demandons par où est Feilaisi certains nous pointent devant nous, d’autres derrière nous. Nous sommes en fait vers le milieu d’une boucle qui finit à la zone d’observation qui se trouve en face de notre hôtel. Nous avions autant raison l’un que l’autre. En tout cas, nous avons retrouvé notre chemin ! “Combien de kilomètres reste-t-il ? 5km. Ah oui, quand même …” Nous arrivons enfin à destination, éreintés après plus de 12h de marche, les jambes douloureuses, mais pas mécontents d’avoir évité le bivouac d’urgence qui est remplacé par une douche et un restaurant !

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3 responses to “Petit détour par Deqin”

  1. Bonjour Laetitia et Sébastien,

    C’est le premier message que je vous poste après avoir suivi toutes vos aventures depuis le début.
    Tout mes félicitations pour la narration de vos aventures et vos magnifiques photo qui nous font rêver
    Profitez-bien de vos dernières semaines
    A bientôt sur Toulouse

    Stéphane NURDIN (ton ancien collègue)

    • Bonjour Stéphane,

      Merci pour ton message. Nous approchons en effet de la fin. Dans quelques jours nous prenons la direction de la Mongolie. Passe un bon été avec tes enfants et à bientôt à Toulouse

  2. Belles découvertes à vous les amoureux.
    Merci pour ce récits si expressif.
    Vos photos sont toujours aussi merveilleuses.
    Quel bonheur de vous imaginer dans cette immensité de la chine.
    Profitez bien
    N’oubliez pas les étirements et les messages des vos jambes.
    Je vous embrasse
    A tout bientôt
    chloé